Football – La Chine, nouvelle puissance mondiale

Cet hiver de nombreux clubs chinois sont venus chercher des stars de clubs européens en y mettant le prix fort. La Chine, deuxième puissance mondiale économique, ne fait même pas partie des 50 meilleurs pays de football. Comment et pourquoi le football chinois se développe-t-il si vite depuis quelques mois ? Entre explosion des droits TV, investissement dans les clubs européens et instauration du football chez les plus jeunes, décryptage de la stratégie de l’Empire Céleste.

L’Empire du Milieu contre-attaque ! Il y a quelques mois encore, la Chinese Super League – le championnat chinois – était vu comme une sorte de cimetière d’éléphants pour les joueurs en fin de carrière. Gangrené par la corruption et la mauvaise gestion des clubs, le football chinois ne semblait pas décoller. Mais ça, c’était avant l’investissement massif consenti par le gouvernement pour développer le football local à vitesse grand V. Les petits plats ont été mis dans les grands. Démocratisation du football chez les plus jeunes, droits TV multipliés par vingt, acquisitions de capitaux dans les clubs européens, et arrivées de joueurs expérimentés et ainsi que d’autres encore jeunes. La recette concoctée par la Chine semble être la bonne pour grandir, et devenir une des plus grandes puissances mondiale du football.

Faire du football le sport phare en Chine

Le président chinois Xi Jinping tire dans une balle de football gaélique en 2012 // Getty Images

Le président chinois Xi Jinping tire dans une balle de football gaélique en 2012 // © Getty Images

Si la Chine a décidée de jouer les premiers rôles dans le monde du football, c’est avant tout la volonté d’un homme. Celle de Xi Jinping, le président chinois. Véritable amoureux du football, il conçoit en février 2015 un plan de développement devant permettre à l’Empire du Milieu de devenir une grande nation du football. Le but : faire du football le sport numéro un en Chine, intensifier la croissance économique du secteur sportif dans le pays, développer la formation. 50 000 écoles de football doivent voir le jour dans l’Empire Céleste, et le football sera rendu obligatoire à l’école. A long terme, le projet vise à obtenir une équipe nationale capable de concurrencer les plus grandes nations, et organiser une Coupe du Monde sur le sol chinois. Actuellement 93ème au classement FIFA, le développement du football chinois passe en priorité par une amélioration de son championnat local. Simon Chadwick, professeur et chercheur à la Coventry University Business School prévient : « La Chine aime être omnipotente et gagnante dans tout ce qu’elle entreprend. Et le football est un secteur important dans lequel la Chine ne réussit pas pour le moment. La Chine veut alors acquérir une position lui permettant d’être respectée par la communauté mondiale du football. »

Rendre la Chinese Super League plus attractive

Le logo de la Chinese Super League, le championnat de football chinois.

Le logo de la Chinese Super League, le championnat de football chinois.

On peut légitimement s’interroger sur l’existence d’un éventuel public européen regardant et s’intéressant au championnat chinois. Mais en terme de droits TV, la Chinese Super League vaut aujourd’hui cher. La société de capital investissement China Media Capital a acquis en novembre dernier les droits de diffusion de la Chinese Super League sur la période 2016 – 2020 pour 1,1 milliards d’Euros. Soit une multiplication des droits TV par vingt par rapport au précédent tarif ! Des revenus qui permettent donc aux clubs chinois de se permettre des folies sur le marché des transferts.

Jackson Martinez vient de signer au Guangzhou Evergrande. Le colombien quitte l'Atlético Madrid six mois seulement après son arrivée.

Jackson Martinez vient de signer au Guangzhou Evergrande. Le Colombien quitte l’Atlético Madrid six mois seulement après son arrivée.

Le championnat chinois est d’ailleurs le plus dépensier de ce mercato hivernal avec déjà plus de 250M€ investis. C’est ainsi qu’on a pu voir débarquer en Chine depuis le mois dernier de nombreux joueurs évoluant en Europe, qui ne sont pas en fin de carrière à l’instar des gros joueurs recrutés par les clubs de MLS. Le club de Jiangsu Suning a ainsi dépensé 50M€ pour faire venir Alex Texeira du Chakhtior Donetsk alors que Liverpool et d’autres grands clubs européens suivaient l’attaquant brésilien. Le même club a également dépensé 33M€ pour faire venir Ramires de Chelsea et le blinder avec un contrat de 55 millions d’€ sur 5 ans. Gervinho, qui a vu l’été dernier son transfert pour Aj Jazira avorté a signé avec Heibi China Fortune FC qui s’est mis d’accord avec l’AS Roma pour 18M€. Il sera rejoint par l’ex-Parisien Ezequiel Lavezzi qui a signé pour 6 millions d’€.
Fredy Guarin, quitte lui l’Inter Milan pour Shanghai Shenhua pour un montant de 15M€, et un salaire annuel de 7,5M€. Recruté l’été dernier de Porto par l’Atlético Madrid pour 35M€, Jackson Martinez signe seulement six mois plus tard à Guanghzou pour 42M€. Le club madrilène peut se frotter les mains d’une plus-value financière réalisée sur un joueur de 29 ans qui n’aura disputé que 14 matchs. Et la folie dépensière des clubs chinois n’est peut-être pas prête de s’arrêter, le mercato hivernal chinois se termine officiellement le 26 février.

A l’inverse de la MLS qui ne parvient pas à se détacher de cette image de destination pour joueurs en pré-retraite, la Chinese Super League attire d’ores et déjà des joueurs confirmés qui ne sont pas « finis » et qui peuvent encore montrer de belles choses dans un championnat à la croissance exponentielle.

Une « infiltration » des clubs européens

La gestion efficace d’un club de football professionnel n’est pas chose facile. Et les clubs asiatiques ont du retard sur leurs aînés européens en termes de formation et de stratégie marketing. C’est pourquoi le gouvernement chinois encourage les entreprises à investir dans les clubs européens. Le but : apprendre et reproduire par la suite les techniques de formation, de gestion, et de marketing des clubs européens sur les clubs chinois. Un partenariat qui avantage tout le monde puisque les clubs européens voient de l’argent être injecté dans leur compte tandis que les investisseurs chinois peuvent transmettre leur savoir-faire au championnat local.

Octobre 2015 - Le président chinois, Xi Jinping, est venu découvrir les locaux de Manchester City © LeMonde.fr

Octobre 2015 – Le président chinois, Xi Jinping, est venu découvrir les locaux de Manchester City © LeMonde.fr

Des investissements sont déjà palpables à travers l’Europe. En Angleterre, Manchester City a vendu 13% de ses parts en décembre dernier à à un consortium des fonds d’investissement China Media Capital et Citic Capital pour environ 375 millions d’euros. En Espagne, le conglomérat Wanda a fait acquisition de 20% de l’Atlético Madrid pour 45M€, et le fabricant de jouets et modèles réduits Rastar a acquis 80% de l’Espanyol Barcelone. En France, l’Entreprise Ledus est propriétaire du FC Sochaux-Montbéliard, actuellement pensionnaire de Ligue 2. A partir de la saison prochaine, la deuxième division portugaise aura pour sponsor principal la multinationale chinoise Ledman.

Une menace pour les clubs européens ?

La Chine, qui souhaite donc sur le long terme organiser une Coupe du Monde, ne veut plus faire office de figurant dans le monde du ballon rond mais en devenir un acteur majeur. L’explosion des droits TV et des partenariats avec les clubs européens permet aujourd’hui à l’Empire du Milieu d’attirer des joueurs à fort potentiel qui ont encore du ballon, là où les Etats-Unis n’ont su pour le moment qu’attirer des stars en fin de carrière. Mais cette soudaine attractivité peut-elle mettre en danger les clubs européens ? « Sur le court terme, ils peuvent faire flamber les prix sur le marché des transferts pour attirer de bons joueurs et améliorer en qualité le championnat national. Il y a une volonté, une marche en avant pour créer un système cohérent, explique Pascal Perri, économiste chez RMC Sport, avant de poursuivre. De surcroît, les Anglais notamment ont une longueur d’avance immense, sont riches et le seront encore plus l’an prochain avec l’entrée en vigueur de nouveaux droits TV. […] L’Europe reste le panthéon du football de par sa longue tradition historique […] La Chine n’a pas cette sédimentation culturelle et encore des étapes à franchir avant d’arriver au niveau du modèle européen. »

Si la Chine peut attirer des grands noms et offrir des salaires colossaux, l’Europe reste la référence sportive. Pour Arsène Wenger, il y a un véritable danger : « Doit-on s’inquiéter ? Oui, bien sûr. Car la Chine semble disposer d’une puissance financière suffisante pour s’offrir l’ensemble des joueurs des championnats européens. Nous sommes dans le milieu depuis assez longtemps pour savoir que c’est juste une conséquence du pouvoir économique et ils ont ça ». Le manager d’Arsenal va même plus loin en comparant les techniques d’investissements chinoises et japonaises : « Vont-ils maintenir leur désir de le faire ? Rappelons-nous, il y a quelques années, le Japon a commencé à faire de même et a ralenti par la suite. Je ne sais pas quelle est l’intensité du désir de la Chine, mais s’il y a une volonté politique très forte, nous devrions nous inquiéter« . Pour Wenger, le dopage financier des clubs chinois va même faire en sorte que la barre symbolique des 100M€ pour un seul joueur sera franchie cet été.

Politique de formation dès le plus jeune âge, investissement financier colossal dans le championnat local, mais aussi dans le football européen. Le football chinois grandit, avec pour espoir de rattraper un jour son retard. En attendant, le football européen garde une avance certaine, mais attention à la nouvelle puissance du football mondial.

Purshoothe THAYALAN

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